
En juin 2012, la DGA notifiait à Thales le contrat de développement de CONTACT (pour COmmunications Numériques TActiques et de Théâtre), programme stratégique destiné à équiper les forces armées en postes de radio tactiques basés sur la technologie de radio logicielle. Il visait à offrir à l’ensemble des forces terrestres, aériennes et navales engagées sur un théâtre d’opérations des capacités améliorées en terme de débit, de sécurité et d’interopérabilité.
Depuis l’été 2021, le programme a rencontré des difficultés, révélées notamment lors des derniers essais terrain étatiques (ETE) en mai 2022. Ces difficultés ont conduit à des retards importants de développement du programme, en particulier dans la perspective des prochains rendez-vous capacitaires des armées, comme celui de la brigade interarmes 2023 (BIA23).
Face à l’ampleur des enjeux, la DGA a décidé de mener, fin septembre dernier, une revue du programme pour évaluer la situation du programme, identifier la nature des difficultés et déterminer si les objectifs initiaux étaient toujours atteignables dans le cadre contractuel avec les ressources allouées.
Menée par un comité de revue composé de représentant étatiques des 3 armées, des directions de la DGA et d’un représentant de l’industrie, elle s’est achevée mi-décembre 2022.
Cette revue de programme a été organisée de façon très innovante car très rapide : elle a été menée en 2 mois et demi seulement.
Le 30 mars dernier, M. François MESTRE, Inspecteur de l'armement pour l'armement terrestre au sein de la Direction générale de l'armement est venu restituer les conclusions de cet audit sur le campus de CRISTAL en présence de plus de 300 collaborateurs qui travaillent sur le programme CONTACT. Son intervention de plus d’une heure a été suivie d’une riche session d’échanges avec les équipes présentes en salle.
CONTACT à l’épreuve de la revue de programme : un défi, des constats et une responsabilité partagée
M. MESTRE a rappelé l’immense défi que constituait cet audit et a rappelé que dans sa démarche il « ne cherchait pas un coupable mais voulait comprendre les difficultés du programme et leurs origines ».
CONTACT c’est plus que le successeur du PR4G. C’est un système souverain de réseau de radios tactiques apte à fonctionner dans un milieu déstructuré et qui doit s’adapter à chaque milieu, et à chaque emploi."
Parmi les constats, il a réaffirmé le besoin de souveraineté, rappelé que les fondements techniques des postes sont sains et que le programme est à poursuivre en révisant certaines ambitions initiales, en rebâtissant des feuilles de route technico-opérationnelles crédibles par milieu. Le tout dans le cadre d’un contexte géopolitique qui a changé.
Pour le milieu aéronautique, le premier rendez-vous est en 2027, pour le naval, à l’horizon 2030 et c’est essentiellement au niveau terrestre qu’il faut baliser de jalons. L’horizon à court terme est fondamental pour conduire des projets complexes.
L’ambition initiale de CONTACT était de bâtir un système de systèmes pour inventer les réseaux radio pour combattre, avec un niveau de complexité énorme. Une des conclusions de cet audit est « qu’on a visé trop haut, trop fort d’un coup » sur un périmètre trop large, en visant un système de systèmes bien trop complexe. On doit être ambitieux, certes, mais rester dans une ambition qu’on sait maîtriser, en recollant aux besoins des opérationnels. En remettant l’utilisateur au cœur du dispositif et non des ambitions techniques.
Son analyse poussée a révélé « une co-responsabilité dans l’échec du programme CONTACT dans son ambition initiale ». M. MESTRE n’a pas apporté de solution miracle, ni établi une feuille de route mais son audit a fait le constat de « relations Etat/Industrie mal outillées » où il faut redévelopper le dialogue. Il renvoyé chacun dans son rôle : que ce soit la DGA, les armées et Thales et les a invités à rebâtir ensemble, et en toute transparence, une nouvelle feuille de route pour la suite du programme.
Cette nouvelle feuille de route « doit aussi pouvoir permettre à Thales de renouveler son leadership en Europe » a déclaré M. MESTRE. Cela exige de relever les défis du présent, de livrer à l’armée de Terre une première version CONTACT opérationnelle, et de préparer avec ambition et rigueur les étapes suivantes.
Une nouvelle feuille de route construite sereinement pour aborder le futur
Aussitôt formulées, ces conclusions ont été suivies de faits : dès début avril, les premiers plateaux menés conjointement entre la DGA, l’Etat-Major des Armées (EMA), les états-majors d’armées et Thales ont débuté et se succèdent à un rythme soutenu. Ils doivent permettre de proposer la nouvelle feuille de route pour le périmètre terrestre dès juillet prochain.
Aujourd’hui, la première version du système CONTACT terrestre basée sur la forme d’onde TDMAI+ est en cours. Elle devrait être qualifiée fin juin pour intégration dans le cadre de l’exercice technico-opérationnel (EXTO) de l’armée de Terre qui aura lieu entre mi-novembre et début décembre, avec une mise en service et un déploiement début 2024.
La nouvelle feuille de route vise à décrire la suite et à déterminer ce qui sera livré lors de la prochaine version système majeure en 2028, notamment quelles formes d’onde pourraient être apportées. Elle constitue aussi une opportunité pour faire converger les solutions France et export, afin de faciliter par là une interopérabilité européenne by design.
La perspective de 2028 est en phase avec les recommandations de la revue de programme qui préconisaient de de se donner plus du temps et de simplifier l’équation en revenant à des principes de planification par réseaux, plus axés sur les besoins opérationnels.